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« L’éclipse 2017 dans l’Amérique profonde de l’Idaho »
Jean-Marc Bonnet-Bidaud      21 aout 2017    (PDF 0.5 Mo)

Voir aussi la vidéo : "Deux minutes de totalité en Idaho"





" L’éclipse américaine en Idaho "
Un moment de totalité dans l'Amérique profonde


L'Idaho c'est l'état où l'on ne va jamais. Coincé entre l'Oregon et le Wyoming, il a été longtemps revendiqué par ces deux voisins jusqu’au jour où il fut finalement admis en 1890 comme 43e état des USA.  Même son nom est un véritable canular. Un certain Willing l’aurait proposé au Congrès vers 1860 comme signifiant « la pierre précieuse des montagnes » en langage des indiens Shoshone qui peuplaient encore la région. Il avoua par la suite que c’était pure invention de sa part. C'est l'Amérique profonde, touchante dans son intégrité la plus ancienne, celle de l'attachement à la terre. Alors que tous les autres états ont choisi comme emblème des maximes inspirées, Idaho a simplement choisi "the potato state", l'état de la pomme de terre


L'état d'Idaho au Nord-Est des USA
Campement des indiens Shoshone en 1870

A l’ouest des Rocheuses, d’étroites vallées serpentent le long des torrents jusqu’à déboucher sur des successions de petites plaines circulaires, véritables campements naturels. En les découvrant, on ne peut s’empêcher de se rappeler qu’il y a moins de 150 ans, c’étaient encore les tribus indiennes des Soshone et des Nez percé (un nom donné par les trappeurs canadiens français) qui menaient ici leurs chevaux mustangs et y montaient leurs tentes « tepee » circulaires.


Village de Crouch (Idaho)
"Trading Post" (Comptoir d'échange) en Idaho

Aujourd’hui, en cette veille de l’éclipse 2017,
les rapides mustangs se sont métamorphosés en bruyants chevaux mécaniques et c'est le grondement caractéristique des Harley-Davidson qui fait résonner la vallée. L’Amérique rebelle et oubliée y affiche sans complexe son idée de la nature.  Elle a votée ici à 60% pour Trump aux dernières élections et, face aux écologistes des classes aisées, elle se revendique « red meat lovers »,  amoureux de la viande rouge. En rejoignant la zone de l’éclipse totale à Garden Valley, on peut croiser dans la plaine  la préparation d’un rodéo où de très jeunes cow-boys de dix ans  à la démarche fière et ravageuse, s'exercent au difficile équilibre sur le dos de chevaux fougueux.


La rivière Payette
L'Amérique attends l'éclipse


Le petit campement de l’éclipse, lové dans un coude de la rivière, réunit de paisibles familles américaines avec enfants et animaux tournant joyeusement autour de couvertures étalées au sol, au milieu de quelques télescopes dont la taille modeste étonne au pays supposé de la démesure. On est loin de l’affluence record un temps annoncée et crainte par le journal local, le Idaho World, dont la typographie ne semble pas avoir évoluée depuis les années 1930, et qui titrait inquiet «  L’éclipse arrive. Serons nous prêts pour les urgences ?»

             Le "Idaho World" créé en 1863             No comment

Tout semble naturel jusqu’au premier cri dans la foule qui signale le premier contact. La
Lune commence son travail de sape sur le Soleil, un minuscule éclat noir vient d’entamer le bord supérieur droit du disque solaire. A partir de ce moment, la foule assiste médusée à la mise en marche arrière du temps. C'est soudain « Retour vers le futur". Le jour qui allait vers un glorieux matin d'été semble hésiter puis s’engage dans un médusant retour accéléré vers l’aube. En un peu plus d'une heure, la lumière pâlit à nouveau et le froid qui s'insinue, installe subrepticement la fraicheur  d’un matin frileux.
Spontanément, la foule s'est levée, moitié pour se réchauffer moitié mue par une excitation fébrile. Quelque chose d'incompréhensible pour l'humain est en train de se jouer. Le Soleil est-il en train d’inverser son mouvement ?  Dans un cri à l'unisson, toute l'esplanade a désormais les yeux tendus vers un petit point du ciel où le Soleil vient de s’éteindre.

Attentat cosmique
Totalité pour 2 min 14s

L'engrenage cosmique est devenu implacable. La lune est en train de réussir son rodéo géant. Comme les jeunes cow-boys sur leurs chevaux fougueux, elle chevauche l'astre du jour et jugule toute sa puissance que l'on sent démesurée, cherchant à jaillir de toute part. 2 minutes 14 secondes d'équilibre absolu commence. Comme par magie, l'éclat aveuglant du Soleil s'est muée en une carte postale somptueuse : un cercle noir parfait, auréolé d'une chevelure blanche et fine. Le temps s’est arrêté. Chacun malgré ses cris retient son souffle. Serons nous à jamais dans l'obscurité, une angoisse ancestrale de l'homme ? D’une ruade invisible, le Soleil interrompt le drame. Lorsque la lumière jaillit à nouveau, comme d'un éternel tonneau des Danaïdes, toute la tension retombe d'un seul coup. La foule incrédule se congratule, regrettant déjà cet unisson magique.
Comme la lumière trop brillante peut s'imprimer sur notre rétine pendant un long moment, l'image du soleil noir s’est gravé à jamais dans notre mémoire.
Et les yeux sont déjà rivés sur la prochaine chance aux USA : le 8 avril 2024 !

Jean-Marc Bonnet-Bidaud (21 aout 2017)

Photographies : Auteur
Clichés astronomiques : © Pascal Bonnet-Bidaud/Stang