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«Un télescope sur la Lune »
Ni les USA, ni l'URSS (Russie) n'avait pensé à mettre en station un télescope sur un aute corps céleste que la Terre.
Lire l'aventure du télescope chinois LUT (Lunar Ultraviolet Telescope)  déposé sur la Lune par la mission Chang'E-3

dans Ciel & Espace, n° 575 p. 30 (Janvier 2021)  par Jean-Marc Bonnet-Bidaud (astrophysicien CEA)



Depuis sept ans, un télescope fonctionne sur la Lune. Cet instrument a été apporté par la mission chinoise Chang’e 3. Rencontre avec l’architecte de ce premier observatoire lunaire : l’astronome Wei Jianyan.


La conception de ce télescope lunaire s'est heurté à deux contraintes majeures : une taille et un poids très limités ; et une très faible puissance électrique. “L’espace disponible était un volume d’environ 40 x 60 cm pour un poids de 12 kg. Nous avons dû réduire son diamètre à celui d’un instrument amateur (15 cm) et adopter une configuration fixe très compacte, dite Ritchey-Chrétien, associée à un miroir plan mobile pour pointer vers le ciel. Côté énergie, Chang’e 3 est alimentée par des panneaux solaires. Pour piloter le télescope, nous sommes donc condamnés à observer de jour, avec le Soleil.


Mais le jour lunaire, le temps écoulé pour revoir le Soleil à la même position dans le ciel sur la Lune, est égal à 29 jours terrestres. Depuis le sol lunaire, le Soleil semble donc déplacer très lentement dans le ciel. Il met un peu plus 14 jours pour aller d’est en ouest (la journée lunaire) suivi de 14 jours de nuit lunaire. “Comme la Lune n’a pas d’atmosphère, il n’y a pas de diffusion de la lumière. Le Soleil apparaît comme une étoile très brillante dans un ciel noir. On peut donc observer les étoiles de jour. Il suffit de se protéger de la lumière solaire, et pour cela nous avons utilisé l’ombre du couvercle du télescope. Pour la première fois, nous pouvions étudier une même étoile en continu pendant 14 jours et il n’est plus besoin d’avoir un mouvement d’entraînement pour compenser la rotation, même pour des temps de pose assez longs !"



Les locaux du NAOC au Nord de Pékin

Le Lunar Ultraviolet Telescope (LUT) a été déposé sur la Lune le 14 décembre 2013 par la mission Chang'E3. Il scrute le ciel depuis sept ans sans incident et il a déjà collecté des milliers d’heures d’observation. Et pour la première fois, les astrophysiciens ont obtenu de l’agence spatiale chinoise (CNSA) le droit d’installer le centre de contrôle de l’instrument dans leurs locaux de l’observatoire de Pékin. Avec une jubilation non dissimulée, Wei Jianyan annonce : “Je suis le seul à avoir piloté un télescope lunaire depuis mon téléphone portable !


L'emplacement du LUT sur la Lune (vu par Lunar Orbiter). Chang’e 3 s’est posée en douceur dans le golfe des Iris le 14 décembre 2013. Elle apporte avec elle le petit rover Yutu, qui a roulé seulement un mois. Mais son atterrisseur et le Lunar Ultraviolet Telescope sont eux toujours en état de marche.


Le LUT fonctionne sur une base stable, exactement comme un observatoire terrestre.” Le télescope a d’ores et déjà constitué un catalogue complet de 50 000 étoiles et continue d’étudier leur variabilité. “En analysant le fond diffus de nos images, nous avons par ailleurs obtenu un résultat inattendu : une limite sur l’eau contenue dans la très fine atmosphère lunaire. Cette mesure in situ est 10 000 fois plus faible que la quantité enregistrée en 2008 par la sonde indienne Chandrayaan 1.


La galaxie du Moulinet (M101) observé par le LUT

Dans le futur, Chang’e 7 et Chang’e 8 (2024-2028) seront des bases sur le pôle Sud, presque constamment illuminé par le Soleil. “Nous pourrons alors observer en continu. Nous allons proposer une constellation de petits détecteurs en ‘œil de mouche’ pour voir le ciel en ultraviolet sur 180° pendant des années.”

Lire l'article complet dans Ciel & Espace, n° 575 p. 30 (Janvier 2021)